20-L'accident

8 février 2010

 

 

La première nuit en Guinée n’a pas été très bonne, le sol est vraiment dure… j’espère ne pas avoir mal au dos pendant ces quelques jours au village. Après le déjeuner, Famoudou décide de nous emmèner dans le village voisin, celui de Sékou, où une fête se prépare. Je décide de ne pas y aller car j’ai besoin d’un peu de temps pour moi et surtout j’ai besoin de faire un break avec le groupe de "Toubabous"…

Alain prend la même décision.

On se repose... 

 

Nous partons faire le marché à Kouroussa avec Koulako. Il y a un barrage à l'entrée de la ville. Le policier n’est pas très cool, nous restons bloqués 10 minutes avant qu’il se décide à nous laisser passer. Si Alain et moi n'avions pas été dans le véhicule, je pense que le passage aurait été plus rapide... Faire le marché avec Koulako est très sportif. Elle va d’un étal à un autre, tâte les légumes, va voir ailleurs, revient, discute le prix.  Je veux l’aider et lui propose donc de porter le seau dans lequel elle met les provisions…je comprends pourquoi les femmes le mettent sur la tête. C’est beaucoup plus facile pour se croiser entre les étals. Moi je m’arrête, laisse passer, m’excuse, avant que je comprenne qu’il faut avancer droit devant si on ne veut pas passer toute la matinée à faire les courses. Après deux bonnes heures nous chargeons le camion et nous rentrons.

 

 

Ici c'est calme, tout le monde est parti pour le village de Sékou. L’information n’est pas vraiment passée concernant la journée, on ne sait pas s’ils doivent rentrer à midi ou pas. Alain décide de rejoindre le groupe, il me propose de venir avec lui. Je ne sais pas pourquoi,  je n’ai pas très envie d’y aller et je me dis qu’ils vont certainement revenir tôt car Koulako prépare le repas. Je reste donc ici.

 

 

J’apprécie ce moment de calme en compagnie de Koulako et Malon qui sont aux petits soins pour moi. Elles veillent toutes les deux à ce que je mange bien et me surveillent du coin de l’œil. A 16 heures, nous voyons arriver Abdullaï qui me dit que c’est dommage de louper la fête et que Famoudou lui a demandé de venir voir si je voulait venir. Je n’ai vraiment pas envie d’y aller, je suis bien là… mais je n'ose pas refuser et décide à contre-cœur de partir avec lui. Il m’emmène en moto.

Nous sortons du village en slalomant entre les cases, puis la dernière maison passée nous nous engageons sur une piste sableuse. 100 mètres plus loin nous voyons arriver en face à vive allure Bandjou, un jeune du village. Famoudou l'a renvoyé de la fête car il avait consommé de l'alcool. Il rentre au village, énervé... Ici pas de code de la route, nous sommes sur le côté gauche de la piste, Bandjou est aussi de ce côté, Abdullaï ralenti mais pas Bandjou… les deux motos font le même mouvement pour s'éviter... c’est la collision!  Les deux motos se sont percutées de face. Je regardais la piste au loin en me tenant légèrement sur le côté d’Abdullaï, résultat: je me suis pris la tête de Bandjou dans le visage, je suis éjecté à 2 mètres de la moto. Petite précision qui a son importance... ici il n'y a pas de casque!

 

Tout cela s’est passé très rapidement, je crois ne pas avoir perdu connaissance. Je me relève assez vite, je touche mon visage et je sens que quelque chose ne va pas… Il n'y a pas de sang et je n’ai pas mal…La première chose qui me vient à l’esprit c’est « merde mon voyage va s’arrêter, on va me rapatrier, je ne vais pas revoir mes amis »… Je suis sorti de mes pensées par Abdullaï qui appelle à l’aide. Les motos sont encastrées l’une dans l’autre, les fourches pliées, Bandjou est sur le tas de moto, la bouche en sang. Je me dirige vers Abdullaï. Il est couché à côté de la moto, il saigne du nez et a une plaie à la tête.  Je le redresse, il est conscient, il s’énerve même contre Bandjou, qui lui, à l’air mal en point. J'ai une petite douleur au visage, Je touche ma joue, j’ai l’impression qu’il en manque une partie sous mon œil. Je sors mon appareil et me prends en photo afin de voir ce que j’ai… j’ai la pommette complètement enfoncée!

 

J’entends au loin le bruit d’une moto, je fais de grands signes pour les appeler, ils arrivent, ils sont deux. Immédiatement, en me voyant, l’un d’entre eux veux m’emmener à l’hôpital. Je refuse et lui demande de m’emmener chez Famoudou. A partir de ce moment là je ne pense pas à ce que j’ai, je suis dépité, j'ai peur de devoir quitter l’Afrique au bout de 15 petits jours…

J’arrive au village, quand Koulako et Malon me voient, elles se mettent à hurler, pleurer , invoquer Allah, elles crient en disant mon prénom, elles ne tiennent pas en place. Je ne comprends pas tout ce qu‘elles disent... Une moto part chercher Famoudou.

Koulako me fait asseoir, elle me prend la main et reste à mes côtés. J’ai le regard perdu, je me sens déjà dans l’avion du retour… je ne vois même pas tout l’attroupement qui se fait autour de moi, provoqué par les cris de Malon et Koulako. Je ne sais pas si ce que j’ai est grave car je n’ai pas mal, je ne saigne pas et je n’ai pas perdu connaissance. Je n’ai vraiment pas envie de quitter l’Afrique comme ça… Famoudou arrive au bout de 40 minutes, il est en colère contre les motos que les gens conduisent n’importe comment ici. Il veux que j’aille à l'hopital de Kouroussa. Après 20 minutes de palabres nous traversons le fleuve pour rejoindre le fourgon. Entre temps un des villageois nous conseille de plutôt aller à l’hôpital de Kankan. A partir de ce moment là je ne gère plus rien, Alain s’occupe de tout, je suis dans un drôle d’état, j’ai l’impression d’être mort à l’intérieur… Nous partons pour Kankan. C’est Moussa qui conduit. Un des villageois nous accompagne pour nous montrer la route. Alain et Malon viennent aussi. Moussa roule très vite, je pense qu'il est un peu inquiet. Alain et Malon ont beau lui dire de ralentir, cela n’a aucun effet sur lui, à part l’énerver. Quand tout à coup, au milieu de la route, un troupeau de vache traverse, on pile à 150 km/h. Maintenant Moussa roule normalement... Après une heure de route on arrive à Kankan. On a du mal à trouver l’hôpital, on s’engage dans des rues, on se retrouve dans des culs de sac… on tourne... je vomis par la fenêtre du véhicule. A 21h30 on arrive enfin! Cela ne ressemble pas vraiment à un hôpital, même les infirmeries d’écoles sont mieux équipées. Les infirmières se mettent  à trois pour s’occuper de moi, mais elles sont plus occupées à soigner les petites écorchures sur mes pieds (j'étais en tong) que ma pommette.

 

 Malon est triste, elle n’arrête pas de pleurer. Je l’appelle et lui prends la main. Dans ces moments là quand ça ne va pas on a besoin d’une maman, merci Malon d’être là, Merci Mama Malon.

Alain prend la décision de m’emmener à l’hôpital de Bamako.

"Merci Alain pour tout ce que tu as fait, tu as tout géré, Merci!"

Après plus d’1h30 de palabres, pour négocier le prix d’une ambulance, à 23heures, on réussit à partir.

L’ambulance est un gros 4x4 avec un gyrophare. Je prends place couché, à l'arrière, on charge aussi des jerrycans d’essence (je vais avoir cette odeur désagréable pendant tout le trajet). Il y a aussi un deuxième chauffeur car la route est longue. Je quitte Malon, le cœur serré, je ne sais pas si je vais la revoir. On nous donne un ordre de mission pour passer les barrages militaires rapidement. Une junte militaire a pris e pouvoir en décembre 2008. En décembre 2009 le chef militaire qui s'est autoproclamé Président se fait tirer dessus. Les militaires contrôlent le pays et montent un nombre impressionnant de barrages. Le 4*4 roule à vive allure, heureusement à cette heure-ci la route est déserte. Quand l’ambulance met le gyrophare c’est que l’on arrive près d’un barrage. Les militaires contrôlent l’intérieur du véhicule en pointant leur torche sur mon visage. Nous passons tous les barrages sans problème sauf un, qui dure un peu plus longtemps car le militaire n'a pas l'air d'apprécier les blancs. Il fait quelques remarques et finit pas nous laisser repartir. À la frontière Guinée/Mali, ils ne vérifient même pas nos passeports.

 

 

Arrivés à Bamako, nous rejoignons Békaso car nous ne connaissons pas l’adresse exacte de l’hôpital. Nous réveillons tout le monde, ils sont tous chamboulés de me voir comme ça. Ils ont su qu’il y a avait eu un problème au village mais ils ne savaient pas lequel, ni qui ça concernait. Le frère de Baréma, un des jeunes qui gère Békaso, nous conduit à la clinique Pasteur. Nous arrivons enfin dans vrai hôpital. Il est deux heures du matin. 9 heures après l’accident je suis ausculté par un vrai médecin qui décide de me garder pour faire des radios.

Fatigué... je m'endors rapidement...

 

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