J'ai finit par rentrer chez moi. Pas parce que j'en avais envie mais parce qu'on me l'a ordonné. J'ai roulé toute la nuit de Gournay en Bray à La Côte Saint-André... j'ai voulu faire demi tour des centaines de fois... je me suis arrêté vers Champier, à quelques kilomètres de chez moi et je suis descendu du camion... j'ai regardé d'où je venais... et j'ai finit par rentrer...
A partir de cet instant j'étais mort à l'intérieur de moi...
Je ne trouve pas de solution, une fois de plus j'attends qu'on me dise quoi faire. Le cercle vicieux se remet en route. Ne pas prendre de décision, attendre qu'on les prenne à ma place et subir...
J'ai certainement pris des risques en Afrique suite à l'accident, j'en suis tout à fait conscient. J'ai tout fait pour ne pas être rapatrié, j'ai minimisé ma blessure. Mais ça devait se passer comme ça! Je devais rester.
Si c'était à refaire, je ne changerais rien... m^me pas l'accident!
J'ai commencé à déprimer fortement à mon retour à La Côte Saint-André. Je n'avais personne vers qui me tourner pour sortir de ma prison dorée. De toute façon mon gardien veillait à ce que personne ne me parle.
Ma blessure a finit par se réveiller, elle me faisait mal, alors qu'en Afrique elle m'a laissé tranquille pour la fin du voyage.
J'ai commencé à sentir un bout d'os, sous l'oeil, qui avait l'air d'être perpendiculaire au lieu de parallèle à l'oeil.
Quelques jours après, je pars aux urgences pour faire regarder ça en France, ce que je n'avais toujours pas fait depuis mon retour, j'étais trop occupé à me battre contre moi-même.
Je passe des radios, un scanner... J'ai une fracture de l'os malaire droit! Je dois me faire opérer.
Le 25 février je me fais hospitaliser à Grenoble dans le service de chirurgie plastique maxillo faciale. Je dois subir une opération car il y a une fracture, un os qui n'est pas à sa place et ma pommette qui est enfoncée.
D'habitude, l'hôpital me fait peur, mais là je ne suis plus moi-même, je ne sais même plus où je suis.
Mon corps est bien là, mes pensées... éteintes...
On me descend au bloc sur un lit et on me met dans un couloir à côté des portes battantes de la salle d'anesthésie pour attendre mon tour. Je commence à ne pas être rassuré. Quand soudain! Les portes sont ouvertes bruyamment et claquent derrière la chirurgienne, déjà équipée pour l'opération. Elle arrache son masque et ... je me fais sermonner : "Mais pourquoi vous ne m'avez pas dit que votre fracture remonte à 3 semaines, l'opération va être plus longue, ça doit être tout consolidé, je vais être obligé de recasser..." Autant dire que cela ne m'a pas aidé à me détendre. Je me suis fait tout petit et je n'ai pas osé lui dire que j'avais bien indiqué aux urgences la date de mon accident.
Pour l'opération, tout aurait dû ne se faire que par la bouche en pratiquant une incision au-dessus des gencives mais la chirurgienne a été obligée de passer également par une autre voie, elle a fait une incision sous l'oeil. Elle m'a placé des plaques en Titane et des vis que je vais garder toute ma vie.
Je suis marqué à tout jamais par l'Afrique au plus profond de moi.
Cette blessure qui aujourd'hui encore, se réveille de temps en temps, me permet de ne pas oublier ce voyage initiatique qui a construit ma vie actuelle et m'a fait devenir qui je suis maintenant.
Cet accident, ce voyage auront été pour moi une seconde naissance.
Je reste deux jours à l'hôpital. Je passe une nuit horrible car mon voisin regarde la télé toute la nuit et m'empêche de dormir. Je ne suis vraiment pas bien... Les infirmières lui amènent même un café vers 23 h, il n'est pas prêt de s'endormir. Je n'arrive rien à dire... je suis éteint...
Je rentre à La Côte Saint-André. Je ne mange plus, suite à l'intubation j'ai des aphtes dans tout le tube digestif, je n'ai jamais eu aussi mal. Quel retour en souffrance physique et morale... si seulement je pouvais faire un voyage dans le temps de quelques semaines. Je me mure dans le silence. De toute façon qu'est ce que je peux dire? Rien ne peut-être compris. J'ai changé, c'est un fait, c'est tout. Je veux tourner la page. Je n'étais pas malheureux avant ce voyage loin de là...
Mais je n'étais pas moi. il n'y a plus rien!
Après 15 jours de souffrances... je réussi à prendre une décision, pas sans conséquence, pas sans faire souffrir.... mais je n'avais pas d'autres choix...
Je change de vie! Non! Je vis
Trois semaines plus tard je retourne en Afrique. Cette fois j'y vais seul. Je passe 15 jours en Guinée à Conakry dans le quartier Matam. Je suis hébergé par le danseur Aly Mara. J'ai le temps de remettre tout en place dans ma tête... encore pleins de belles images...
A mon retour de Guinée j'ai le temps de réfléchir à tout ce qui m'est arrivé et aux décisions que j'ai prises car je ne reprends pas le travail tout de suite. Libéré de mes chaines je me pose pour faire le point dans ma tête. Qu'est ce que je suis allé chercher en Afrique? Qu'est ce qui a un sens maintenant pour moi? Pourquoi j'étais si bien là-bas?
J'ai envie de partager tout ça... Ma route me mène vers mon amie Lydie, j'ai l'impression que c'est la seule personne qui sait m'écouter et qui peut me comprendre...
Nous passons beaucoup de temps ensemble. Nous échangeons beaucoup... et je retrouve des sensations que j'ai ressenti en Afrique et puis... et puis le destin nous mène tous les deux au même embranchement de vie... Poursuivre sa route chacun de son côté et choisir la facilité, le confort... où se remettre à sourire, à rêver ensemble et choisir la même direction...
Sous mes yeux tu étais là! Depuis tant d'années! Mais aujourd'hui c'est le bon moment, je suis maintenant quelqu'un de bien... je suis moi!
Tout ce que je construis maintenant vient de mon désir le plus profond, personne ne me fera diminuer mes rêves.
L'Afrique sera toujours là pour me le rappeler grâce à cette blessure... Me rappeler à quel point il est important de profiter chaque jour et que personne n'a le droit de décider pour moi.
Mon besoin de consolation est impossible à rassasier mais tu y contribues grandement chaque jour que je passe à tes côtés.
J'ai enfin construit quelque chose... avec toi... un petit être rempli de nous, une trace de nous à tout jamais.
A Lydie et Souello.
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